vendredi 7 août 2009

Vendredi 7 août




Salton Sea - Joshua Tree

Maintenant je peux le dire : j’en menais pas large hier soir dans mon trailer. Le loquet de la porte ne semblant pas très costaud, j’ai voulu la bloquer avec un objet lourd. Mais comme elle s’ouvrait vers l’extérieur, j’ai juste placé une chaise pliante en équilibre pour qu’elle fasse du bruit -et me réveille- au cas où quelqu’un entrait pendant la nuit. Sioux, j’ai éteint les lumières et attendu 1h30 avant de m’endormir. Il ne s’est évidemment rien passé et je me réveille à 8h30 à peu près reposée. En chargeant la caisse je m’aperçois que j’avais laissé la clé du trailer sur la porte, à l’extérieur. No comment. C’est fou comme on peut se faire des films, à bas Hollywood.

J’entre en terre californienne, précise l’écriteau sur le pont du Colorado River. Arrêt vers midi pour bruncher dans un restau d’autoroute à Chiriaco Summit, à côté du musée General Patton exposant divers tanks et mitraillettes. C’est pratique pour ça les déserts, des super terrains d’entraînement pour un pays en guerre perpétuelle chez les autres. Plus loin un grand panneau informe que la prison d’Etat n’est pas loin. Et juste en-dessous, un autre rappelle qu’il ne faut surtout pas prendre d’auto-stoppeurs. S’en suit une longue série de bornes d’appel, jamais vus dans d’autres Etats. D’habitude ils signalent juste qu’il faut faire marche arrière en cas de tempête de neige ou de sable, c’est selon. Les déserts sont pratiques pour ça aussi, les prisons, au moins on peut être à peu près sûr que même si les prisonniers parvenaient à s’évader, ils crèveraient en tentant de rejoindre la ville la plus proche à pied. La 10 est toujours aussi rectiligne depuis hier soir mais au bout d’une heure, les indications noires sur fond jaune s’affolent. Attention il va se passer quelque chose. Un léger virage vers la gauche, j’ai failli le louper.

Je quitte l’autoroute à hauteur de Indio, me plante, reviens, trouve un chemin qui d’un coup termine sur une dune, reviens encore en arrière. Et si je laissais tomber ? Non. J’arrête de me fier aux indications et conduis au feeling. Cette route-ci semble enfin m’emmener dans la bonne direction. On m’avait dit que Salton Sea valait le détour alors je sors à la Marina. Sorte d’énorme camping rempli de mobile homes désormais sédentaires puisque posés sur des parpaings et entourés de clôtures. Les trailers ont des allures de plus en plus pourries, abandonnés, parfois brûlés.
Des fauteuils gisent le long du chemin, des carcasses de voitures, des bouts de meubles. Je suis dans un ghost camping. Avant de repartir je tiens quand même à mettre les pieds dans l’eau alors je continue jusqu’au rivage. Monte dans les dunes en faisant confiance au 4x4. Me gare au milieu du sable en laissant les portières ouvertes, ça sent pas très bon par ici. Le sable durcit et craque sous mes pieds, bizarre. M’approche de l’eau, vraiment ça pue, mais qu’est-ce qui s’est passé ici ? Je regarde par terre et découvre une tête de poisson desséchée. Garde les yeux rivés sur le sable et m’aperçois que la plage est pleine de poissons en état de décomposition varié. C’était donc ça l’odeur, hmm.
Le clapotis des vaguelettes ramène d’autres poissons et oiseaux migrateurs morts, la mousse de sel recouvre le sable. Le plus grand lac de Californie est à l’agonie, entre un fonds visiblement trop salin et le déversement de pesticides des nombreuses cultures aux alentours. Je comprends pourquoi les habitants des trailers ont quitté les lieux. Et je vérifierai la provenance des fruits et légumes chez Franprix à l’avenir. Un pick-up blanc repasse derrière moi pour la troisième fois, il est temps de repartir.

Traverse les champs irrigués à perte de vue et m’enfonce dans les collines. Je dois rouler dans un ancien lit de rivière, des rochers jaunes d’une vingtaine de mètres se dressent des deux côtés, quelques arbres morts indiquent qu’il y a eu une vie. Me sens pas très à l’aise, peu de traces humaines, il fait très chaud et je ne suis pas sûre que la route mène à l’endroit prévu. Vingt minutes plus tard c’est bon, la 10 se dessine au loin. J’aurai fait une boucle de deux heures mais ça valait effectivement le détour. La Crise n’est pas toujours financière, elle peut aussi être naturelle. L’expérience des Desert Shores de Salton Sea m’aura marquée. Je traverse la 10, continue sur le chemin d’en face et entre dans Joshua Tree National Park. Il est 16h. Le point de péage est fermé, je verrai s’il sera ouvert en sortant de l’autre côté.

Il n’est pas rare d’avoir des idées préconçues quand on se rend dans un nouveau lieu, généralement inspirées des images qu’on a pu en voir. Enfant de la X-generation j’ai grandi en écoutant U2 et suis donc venue voir, de mes propres yeux, Le Fameux Joshua Tree (1987). Mais comme souvent quand on s’attend à quelque chose de précis, on est déçu. Je m’attendais à un désert plutôt sablonneux, mais ne trouve que montagnes et caillasse. La route arpente, limitée à 35mph, mais comme les visiteurs sont peu nombreux j’en profite pour m’entraîner à la conduite sportive. Au départ je m’arrête pour lire les panneaux explicatifs, puis me limite à les lire par la fenêtre et à la fin je passe tout bonnement. C’est pas mal, mais j’en ai vu d’autres et il m’en faut désormais plus pour m’épater. L’ensemble est aride, les petits buissons secs et circulaires, y a du sable d’accord. Pas un Joshua Tree à l’horizon. Lentement mais sûrement le désert change d’allure en montant vers le nord. Une nouvelle végétation se dessine, les tas de rochers passent du noir au jaune et prennent des formes de plus en plus douces. On dirait que quelqu’un les a sculptés puis joué à Tetris, très curieux. Et voilà que j’aperçois un premier arbre qui correspond à peu près à mon souvenir. Mais pourquoi donc est-on tellement attaché à trouver ce qu’on a déjà vu ? Les Joshua Trees sont un mélange de palmier et de cactus, un peu comme une voiture hybride mais toute dévouée à évoluer dans un climat austère. C’est la crise pour tout le monde. Comment ils faisaient les Indiens, et les chercheurs d’or bien plus tard, pour vivre ici ? La Parisienne en 4x4 reste pantoise.

Deux heures plus tard je sors du parc et paye ma PAF du spectacle naturel. Poursuivre ou s’en tenir là ? Si je trouve un motel je m’arrête ici. Au premier feu de Joshua Tree – ville, je vois le panneau du High Desert Motel et tente ma chance. La chambre est à $55 plus taxes. Vous savez s’il y a d’autres motels dans le coin ? Tiens il m’en reste une à $55 taxes comprises. D’accord. No big deal, c’est pour le principe. En sortant du office je vois qu’il y a un autre motel de l’autre côté de la route, tant pis. La 108 est bien trop classieuse pour mes standards, elle sent le propre, offre un frigo ET un micro-ondes, la salle de bains s’étale sur 10m2. Je m’installe à la table de pique-nique sur le parking. Arrivent deux jeunes couples, ont-ils vraiment l’âge de fréquenter les motels ? A mesure que la nuit tombe les touristes déboulent. Comme l’expliquait le gars du office, la crise n’affecte pas vraiment Joshua Tree. Une baisse de 15% à peine, les Norvégiens cramés continuent de débarquer avec leurs enfants. Lui a passé son enfance en Angleterre, mais retournerait bien en Europe en tant qu’adulte. Ni une ni deux voilà que débarquent deux Néerlandais, puis une compagnie d’Italiens au débit interminable.

J’abandonne ma table de pique-nique pour profiter de l’éclairage au-dessus de la piscine enclôturée. A peine installée les Ritals en font de même. De l’autre côté du parking, un JESUS luit dans la nuit, indiquant le chemin aux fidèles dominicaux. Pour la première fois depuis le 24 juillet je mets un pull. A 20h45, seuls les phares des voitures se chassant sur l’autoroute rappellent que la civilisation existe encore. La mienne continue de détonner par sa saleté, les gens n’ont que ça à faire que de laver les leurs ? Le gérant du motel passe par là, lui aussi à une amie écrivaine ; good luck honey, I'll look you up. Une dernière bagnole fait son entrée, son conducteur mettra longtemps à éteindre le moteur.

3 commentaires:

  1. "J'en ai vu d'autres, faut plus que ca pour m'epater", va falloir te trouver un nouveau terrain de jeu, dis-donc! Alaska?
    Con bacioni da Roma

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  2. Salton sea est aussi la capitale americaine d'explosions de labo clandestins de fabrication de crystal meth. Du moins il me semble. Ou alors c'etait une autre ville white trash. On s'y perd...

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  3. Trop flippante cette visite dans le "ghost camping" ainsi qu'au lac-aux-poissons-morts... On voit bien le cow-boy caché derrière l'ange...
    Next time, i take you in search of Annie Proulx's cowboys lovers, in Wyoming... with my approximate english, it will be funny :)

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