Salton Sea - Joshua Tree
Maintenant je peux le dire : j’en menais pas large hier soir dans mon trailer. Le loquet de la porte ne semblant pas très costaud, j’ai voulu la bloquer avec un objet lourd. Mais comme elle s’ouvrait vers l’extérieur, j’ai juste placé une chaise pliante en équilibre pour qu’elle fasse du bruit -et me réveille- au cas où quelqu’un entrait pendant la nuit. Sioux, j’ai éteint les lumières et attendu 1h30 avant de m’endormir. Il ne s’est évidemment rien passé et je me réveille à 8h30 à peu près reposée. En chargeant la caisse je m’aperçois que j’avais laissé la clé du trailer sur la porte, à l’extérieur. No comment. C’est fou comme on peut se faire des films, à bas Hollywood.
J’entre en terre californienne, précise l’écriteau sur le pont du Colorado River. Arrêt vers midi pour bruncher dans un restau d’autoroute à Chiriaco Summit, à côté du musée General Patton exposant divers tanks et mitraillettes. C’est pratique pour ça les déserts, des super terrains d’entraînement pour un pays en guerre perpétuelle chez les autres. Plus loin un grand panneau informe que la prison d’Etat n’est pas loin. Et juste en-dessous, un autre rappelle qu’il ne faut surtout pas prendre d’auto-stoppeurs. S’en suit une longue série de bornes d’appel, jamais vus dans d’autres Etats. D’habitude ils signalent juste qu’il faut faire marche arrière en cas de tempête de neige ou de sable, c’est selon. Les déserts sont pratiques pour ça aussi, les prisons, au moins on peut être à peu près sûr que même si les prisonniers parvenaient à s’évader, ils crèveraient en tentant de rejoindre la ville la plus proche à pied. La 10 est toujours aussi rectiligne depuis hier soir mais au bout d’une heure, les indications noires sur fond jaune s’affolent. Attention il va se passer quelque chose. Un léger virage vers la gauche, j’ai failli le louper.
Je quitte l’autoroute à hauteur de Indio, me plante, reviens, trouve un chemin qui d’un coup termine sur une dune, reviens encore en arrière. Et si je laissais tomber ? Non. J’arrête de me fier aux indications et conduis au feeling. Cette route-ci semble enfin m’emmener dans la bonne direction. On m’avait dit que Salton Sea valait le détour alors je sors à la Marina. Sorte d’énorme camping rempli de mobile homes désormais sédentaires puisque posés sur des parpaings et entourés de clôtures. Les trailers ont des allures de plus en plus pourries, abandonnés, parfois brûlés.
Traverse les champs irrigués à perte de vue et m’enfonce dans les collines. Je dois rouler dans un ancien lit de rivière, des rochers jaunes d’une vingtaine de mètres se dressent des deux côtés, quelques arbres morts indiquent qu’il y a eu une vie. Me sens pas très à l’aise, peu de traces humaines, il fait très chaud et je ne suis pas sûre que la route mène à l’endroit prévu. Vingt minutes plus tard c’est bon, la 10 se dessine au loin. J’aurai fait une boucle de deux heures mais ça valait effectivement le détour. La Crise n’est pas toujours financière, elle peut aussi être naturelle. L’expérience des Desert Shores de Salton Sea m’aura marquée. Je traverse la 10, continue sur le chemin d’en face et entre dans Joshua Tree National Park. Il est 16h. Le point de péage est fermé, je verrai s’il sera ouvert en sortant de l’autre côté.
Deux heures plus tard je sors du parc et paye ma PAF du spectacle naturel. Poursuivre ou s’en tenir là ? Si je trouve un motel je m’arrête ici. Au premier feu de Joshua Tree – ville, je vois le panneau du High Desert Motel et tente ma chance. La chambre est à $55 plus taxes. Vous savez s’il y a d’autres motels dans le coin ? Tiens il m’en reste une à $55 taxes comprises. D’accord. No big deal, c’est pour le principe. En sortant du office je vois qu’il y a un autre motel de l’autre côté de la route, tant pis. La 108 est bien trop classieuse pour mes standards, elle sent le propre, offre un frigo ET un micro-ondes, la salle de bains s’étale sur 10m2. Je m’installe à la table de pique-nique sur le parking. Arrivent deux jeunes couples, ont-ils vraiment l’âge de fréquenter les motels ? A mesure que la nuit tombe les touristes déboulent. Comme l’expliquait le gars du office, la crise n’affecte pas vraiment Joshua Tree. Une baisse de 15% à peine, les Norvégiens cramés continuent de débarquer avec leurs enfants. Lui a passé son enfance en Angleterre, mais retournerait bien en Europe en tant qu’adulte. Ni une ni deux voilà que débarquent deux Néerlandais, puis une compagnie d’Italiens au débit interminable.
J’abandonne ma table de pique-nique pour profiter de l’éclairage au-dessus de la piscine enclôturée. A peine installée les Ritals en font de même. De l’autre côté du parking, un JESUS luit dans la nuit, indiquant le chemin aux fidèles dominicaux. Pour la première fois depuis le 24 juillet je mets un pull. A 20h45, seuls les phares des voitures se chassant sur l’autoroute rappellent que la civilisation existe encore. La mienne continue de détonner par sa saleté, les gens n’ont que ça à faire que de laver les leurs ? Le gérant du motel passe par là, lui aussi à une amie écrivaine ; good luck honey, I'll look you up. Une dernière bagnole fait son entrée, son conducteur mettra longtemps à éteindre le moteur.
"J'en ai vu d'autres, faut plus que ca pour m'epater", va falloir te trouver un nouveau terrain de jeu, dis-donc! Alaska?
RépondreSupprimerCon bacioni da Roma
Salton sea est aussi la capitale americaine d'explosions de labo clandestins de fabrication de crystal meth. Du moins il me semble. Ou alors c'etait une autre ville white trash. On s'y perd...
RépondreSupprimerTrop flippante cette visite dans le "ghost camping" ainsi qu'au lac-aux-poissons-morts... On voit bien le cow-boy caché derrière l'ange...
RépondreSupprimerNext time, i take you in search of Annie Proulx's cowboys lovers, in Wyoming... with my approximate english, it will be funny :)