Bagdad Café
Un mal fou à me réveiller et comme je ne sais pas dans quelle time zone je suis, je ne sais pas non plus si on va me mettre dehors tout de suite ou dans une heure. Dans le doute je m’active et rends les clés de la 108 quand ma montre indique 10h. A Yucca Valley je remets de l’essence au cas où ; la pompe fait sa maligne et je dois faire sortir le moustachu en chemise hawaïenne au regard ténébreux. Comme je l’ai cassée, il propose de me garder en contrepartie. Voulez pas la caisse plutôt ?
Je monte par la 247, un espace laissé tout blanc sur la carte. Il n’y a effectivement pas grand-chose. Mais c’est beau, des collines marron, de la poussière, quelques trailers parqués ça et là. Quand je me retrouve à Apple Valley je réalise que j’ai dû louper le seul chemin qui partait vers la droite. Reviens en arrière, dans le coltard, j’ai décidemment du mal ce matin. Entame le Red Bull de survie qui fait son effet en quelques minutes. Je me demande ce qui motive les gens à s’installer dans le Mojave Desert ; c’est joli, pas de problèmes de voisinage et le prix des terrains doit être intéressant. J’aperçois d’ailleurs ce qui ressemble à des campements de fortune, peut-être des rejetés d’une grande ville ? Changement d’ambiance à l’approche de Barstow, tout de même honoré d’un petit carré sur la carte, avec sa bretelle d’autoroute et grands magasins.
Poursuis la 58 West en passant par Hinkley, Four Corners, Mojave. Suis à mi-chemin. Continue à travers des collines aux herbes desséchées, un gros en 4x4 squatte la file de gauche empêchant tout le monde de passer. Les panneaux rappellent constamment que des radars contrôlent notre vitesse, j’ai pas envie de me prendre un ticket. J’arrive enfin à Bakersfield où les panneaux sont nombreux et compliqués à lire en même temps que la carte, sors au pif, moment de doute, c’est bon. La 99 North rejoint la 65, damnés poids lourds, j’éteins l’air conditionné et ouvre la fenêtre, zappe entre les stations radio, me divertis en regardant les nombreuses machines pomper le pétrole enfoui par ici, commence à avoir faim.
Vais à Wal-Mart acheter une salade de pâtes, puis à Chevron acheter des bières. En inspectant mon permis la caissière adore que je vienne de Paris. Elle joue aux cartes sur Internet chaque nuit et trouve formidable de communiquer avec des gens de Tchécoslovaquie, d’Australie et même d’Ontario – Canada. Sa mère qui a 89 ans gagne au poker tous les soirs dans sa maison de retraite. Ses yeux trop maquillés me transpercent. Devant ma chambre mon voisin direct vient me converser. Son père est Black-American, sa mère Japonaise. Il me demande si le fait de voyager seule est une façon de renouveler mes vœux, euhm on est pas très religieux avec mon époux. S’en suit un long débat sur le sens de la vie, la crise financière et la grippe, comment, porcine. Parce que les cochons sont malades ? On a besoin d’un vaccin pour aller en Europe ? Les hommes ont toujours été violents et créé l’injustice, ça ne changera jamais. Alors il ne reste que la foi, le contraire de l’espoir. Bizarre rencontre. Une heure plus tard j’ai toujours autant de mal à le cerner ; un discours construit et réfléchi mais qui dérape régulièrement. Enfin de ce que j’en entends, parce qu’accroupi à distance respectable, l’homme parle très bas. J’écourte la discussion, il tente tout de même sa chance. Suis-je vraiment heureuse dans mon couple ? Bonne nuit.
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