jeudi 30 juillet 2009

Jeudi 30 juillet

Salt Flats

Have you ever killed someone ? demandera Bill à quatre reprises. A 17 ans il est parti au Vietnam en tant que mitrailleur en hélicoptère et a tué plus de 2000 Viet Congs. Quand t’es face à l’ennemi tu sais que c’est toi ou lui. You know what life is worth. Comme les autres, il a été mal reçu par ses compatriotes à son retour. Alors tu te montres plus sympa envers les soldats qui reviennent d’Irak ou Afghanistan aujourd’hui ? Ah non, aucun respect, ils ne font ça que pour l’argent. Bill trouve qu’Obama fait du bon boulot, son seul problème est qu’il est Noir. Et Bill n’aime pas les Noirs ni les Mexicanos ; Obama leur donne du boulot juste à cause de leur couleur. Regarde le cas Gates ces derniers jours, s’il n’était pas Noir c’est clair qu’il n’aurait jamais eu de poste à Harvard. Il essaye de cambrioler sa propre maison et se fait attraper, bien fait pour sa gueule. Ou regarde le barman là, il est super efficace alors qu’il est Chicano, c’est vrai qu’ils bossent dur ces mecs. Ehrmm ok… Je suis Mormon et raciste, et puis c’est tout. Et les Républicains ? Je déteste Bush, il n’a fait que du mal à notre pays. J’aime bien Obama même s’il est Noir. Bill n’est pas à une contradiction près et quand on lui fait remarquer, il hoche lentement la tête en disant You’re a very smart person.

Quand Andrew a fini son service derrière le comptoir des paris sportifs il nous rejoint au bar. Il est venu de son Indiana natal parce que sa sœur s’était installée ici. C’est sympa de travailler au Casino ? Know what, people are evil. Il avait observé un homme l’autre soir qui a taxé $2000 à sa famille et qui a tout perdu. Mais lui gagne bien sa vie alors il reste encore un peu. Il est surtout à la recherche du grand amour. Je trouverai d’ailleurs un petit papier avec son nom et numéro discrètement glissé dans mon sac. Les tournées s’enchaînent et comme on n’a rien mangé depuis midi on commence à être bien ivres. A une heure inconnue on parvient à retrouver l’ascenseur mais on a du mal à ouvrir la porte de la chambre. Morts de rire on s’effondre tout habillés.

La réception nous réveille à 11h30. It's check-out time, oui désolée, on va rester encore une nuit. On se traîne péniblement jusqu’à la voiture pour traverser la route et nous rendre au Mc Do. Un peu rude comme petit-déj quand on a la gueule de bois. On descend l’avenue principale (d’ailleurs la seule avenue de la ville) jusqu’à capter un réseau Internet en wifi, puis continuons la route vers l’est et entrons dans le désert de sel.

La route goudronnée s’arrête abruptement pour s’ouvrir sur un espace blanc illimité : Bonneville Speedway est La Piste des Records de Vitesse du Monde. Marco est comme un fou et pousse le 4x4 au maximum, mais on ne dépassera pas les 170km/h. Dommage de pas avoir une bagnole plus puissante, c'était l'occase.

On s’arrête au milieu de nulle part. Impossible d’évaluer les distances, impossible de voir au loin, impossible d’ailleurs de garder les yeux ouverts sans lunettes de soleil. Tout est blanc blanc blanc. Derrière nous quelques montagnes aident à fixer le regard et à éviter le vertige. Ce que je ressens est difficile à décrire, sorte d’envie de hurler et de courir, une attirance vers le néant. Alors qu’il est 14h et le soleil au zénith, il ne fait pas trop chaud puisque le blanc renvoie la chaleur. On évolue dans la mer blanche, les cristaux de sel s’agglutinent sous nos pieds et alourdissent la marche.

Mais on s’éloigne pas trop de la voiture, comme si elle était notre bouée, le seul repère physique et identifiable dans tout cet abstrait. A un moment, dur de savoir au bout de combien de temps, on retourne vers la ville. Découverte de la base aérienne dans laquelle 20.000 soldats, officiers, mécaniciens et autres ont préparé l’aviation américaine à intervenir dans la seconde guerre mondiale. C’est également d’ici qu’est parti Enola Gay, le bombardier ayant lâché Little Boy sur Hiroshima. La vidéo présentée dans le petit musée loue la bravoure des G.Is partis avec le désir désintéressée de libérer les Européens des griffes des méchants.

On voit l’orage arriver depuis l’ouest, les gouttes de pluie sont lourdes et les montagnes ne seront rapidement plus visibles. On rentre au Rainbow zapper entre vieux épisodes de Friends et les nouvelles de l’Utah sur la Fox locale. Le soleil revient en fin de journée. Il est grand temps de descendre en enfer pour dîner sous les néons du Rain Forest avec ses serveuses en chemise hawaïenne. Après un all you can eat on conduit jusqu'en haut d'une colline pour regarder le désert version panoramique. Paraît qu’on peut y observer la courbure de la terre, mouais, mais c’est très joli dans la lumière déclinante. Ce soir on évitera les bars et les tables de jeu.

1 commentaire:

  1. Extraordinaire. J'ai termine avant hier "La possibilite d'une ile".

    "...J'étais impressioné, et les derniers éléments qui manquaient à ma compréhension de l'espèce se mirent d'un coup en place. Je comprenais mieux, à présent, comment l'idée de l'infini avait pu germer dans le cerveau de ces primates."

    RépondreSupprimer