dimanche 26 juillet 2009

Dimanche 26 juillet



Cowboys en moto et au comptoir


Réveil à 6h50, impossible de me rendormir. Je laisse Marco tranquille et bidouille silencieusement dans mon coin. Vrai petit-déj en self service dans le Motel. Sous prétexte de demander la route à la réception, j’engage la conversation avec Vicky. Lusk, avec ses 1500 habitants, vit grâce à deux activités. Le ranching, comme on a pu le constater hier soir, et la prison d’Etat pour femmes, moins mise en avant. Vicky trouve que la population a changé depuis une dizaine d’années, elle ne reconnaît plus tout le monde dans la rue. Selon elle, des gens de Californie tendent à s’installer dans le Colorado, ce qui pousse les habitants de ce dernier à monter dans le Wyoming. Mais pourquoi, parce qu’ils veulent changer de mode de vie demande la Parisienne ? Non, les gens du Colorado étaient déjà des ranchers alors ils rachètent des terres ici. Et la crise financière, elle se ressent ? Nan, même si le prix du bétail a baissé je ne vois pas trop de différence, à Custer le trafic sur les highways est toujours aussi soutenu, ça m’étonne d’ailleurs. En plus il y a du pétrole ici, et la prison d’Etat emploie toujours du monde. Et la grippe porcine, c’est un truc qui inquiète ? Pff, ils n’arrêtaient pas d’en parler aux nouvelles il y a quelques temps mais ici on se sent plutôt protégé. Pour sûr qu’ils sont à l’écart de tout à Lusk, sauf de la neige et du vent en hiver…



On quitte le bled vers 9h30, faisons un tour à la prison mais on n’a évidemment pas le droit d’y entrer. Alors on reprend la 85 vers le nord, direction Newcastle, où on s’arrête dans un Pamida, sorte de grande surface vendant des t-shirts démesurés, des roues de carriole et des chips. Je tente leurs produits de beauté, on verra bien. On tourne à droite sur une petite route et on entre dans les montagnes basses et la forêt. On marque un nouvel arrêt dans Custer, un village honorant les Native Americans par des reproductions de statues taillées dans le bois, des peintures d’Indiens et autres tipis. C’est drôle parce que Custer était précisément le général ayant dirigé le Great Indian War dans la seconde moitié du XIX dans ces régions. On a l’embarras du choix pour le déjeuner et nous choisissons le Cattleman’s Family Diner parce qu’ils affichent des lunch à partir de $3.99. Enorme intérieur en bois avec d’autres tipis et statuettes en bois. Marco prend un patty melt (comme un burger, mais en plus raffiné, avec oignons et servi dans des toasts au blé complet). Pour ma part, je demande une grilled chicken salad. On m’apporte un plat de fromage râpé avec quelques feuilles de salade et des bouts d’omelette. Je signale au serveur qu’il semble y avoir une erreur, non non c’est bien du chicken breast. Never mind.



On poursuit jusqu’au Crazy Horse National Monument, un début de sculpture dans la roche d’un profil de chef Indien du même nom. On le voit tellement bien depuis la grille du parc qu’on s’embarrasse pas d’y entrer. Continuons vers Mount Rushmore, où là par contre on est prêt à s’arrêter. On gare la voiture sur le parking à cinq étages et suivons le flot de touristes obèses, glace dans une main, poussette dans l’autre. La dizaine de mètres qui nous sépare du Grand View Terrace célèbre la fondation des Etats-Unis, Etat par Etat, chacun avec sa date et son drapeau.



L’entrée sur le belvédère est spectaculaire et la vue des profils des Présidents Washington, Jefferson, Roosevelt et Lincoln est belle. Moins époustouflante qu’on aurait pu s’imaginer mais c’est un joli travail. Une petite Ranger, serrée dans son costume kaki sous un chapeau en dur, hurle que la visite guidée va commencer. On se joint au troupeau. Elle précise d’emblée que le tour ne demandera pas trop d’efforts physiques, on a failli avoir peur. Pendant qu’elle raconte l’histoire du site, sans trop entrer dans les détails gênants sur le fait que ce site est un total manque de respect envers les terres saintes des Indiens, je tente de gérer la bestiole de 2cm avec quatre ailes remontée par le bas de mon pantalon et le fait que ma caméra ne répond plus aux commandes. Il me reste l’appareil photo et je shoote en continu. 30 minutes plus tard la visite est terminée, nous revenons au belvédère où Marco boit un double espresso pendant que j’achète une casquette Sturgis. Très important d’avoir un couvre-chef aux couleurs locales. D’autant que ça facilitera nos rapports avec les nombreux gros circulant en Harley Davidson, Sturgis étant Le Rendez-vous annuel des Hell’s Angels dans les environs.

De Rushmore on reprend la route toujours vers le nord, ce matin Vicky m’avait chaudement recommandé un Scenic Byway entre Lead et Spearfish. On s’attendait à rouler sur la crête du canyon mais le chemin ondule finalement dans une vallée boisée. A la sortie de Spearfish on tourne vers l’ouest sur la 90 et passons par un bled nommé Beluah. 33 habitants indique le panneau à l’entrée de la ville. Mais on s’y arrête pas, parce que plus loin il y a Sundance, le village du Kid de Butch Cassidy, qui propose trois Motels et un bar ouvert le dimanche soir. Sundance compte quand même 2000 habitants, d’après le panneau vert officiel, mais je me demande où ils se cachent étant donné qu’il n’y a qu’une seule rue. Devant le Bar, des chevelus à barbe, Bud à la main. A l’intérieur, des blondes au comptoir sirotent des cocktails incertains. Nous demandons un six-pack de Bud, nous aussi, et enregistrons au Rodeway Inn. A côté de la chambre 131 se dessine un carré d’herbe avec une table de pique-nique. Elle sera parfaite pour notre premier apéro. Sur le parking des motards admirent leurs bécanes entre mâles, les femelles se tiennent pas loin. J’ai été surprise aujourd’hui par le nombre de femmes enfourchant des Harleys, elles ne se limitent pas toutes au rôle de passager.

Marco part nous chercher un dîner au Subways, sandwich et salade. Le soleil se couche et les moustiques entrent en scène. Devant the office des gens rigolent dans la nuit. Il est 20h55. Plus tard on décide de retourner au Bar. Au comptoir on fait la connaissance de Kelly. Elle est de Sundance, a 49 ans et un fils de 10 ans. Elle n’aime pas Obama parce que c’est à cause de lui que les mines de charbon et les puits de pétrole ont fermé, alors plein de gens sont au chômage. Sa proposition de loi sur le système de santé ne lui paraît pas bonne non plus, paraît que vous les mecs en Europe vous ne payez rien mais moi j’ai du mal à y croire. Alors tu ne penses pas que Obama soit une solution ? Carrément pas ; je dis pas ça parce qu’il est Noir hein. Et Mc Cain il aurait fait mieux ? C’est pas dit. Nous on est des Vrais Américains et les politiciens ils n’y comprennent rien à la vraie vie en Amérique. Ils ferment nos mines et nos puits, qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? On paye notre tournée, le bar est vide à l’exception de Kelly et de ses potos Mark et un Indien à tresses et à la voix cassée. Il a eu un cancer de la gorge mais refuse de se faire installer la petite boîte, il ne boit que des Ice Tea. N’empêche que quand j’offre ma tournée, l’Indien prendra un whisky coke en allumant une clope. Il est déjà allé en Suède, quand il tournait avec Led Zep. La discussion suit son cours et les propos de Kelly, qui carbure au whisky, deviennent de plus en plus confus. A un moment j’ai un doute et lui demande de qui elle parle. Parce qu’elle explique que si je m’approchais de son jardin elle me tirerai dessus sans hésiter, parce que je suis qui pour venir leur faire la conversation comme ça? Demande-elle sur un ton agressif en soulevant mon t-shirt pour vérifier si je porte pas un micro caché. Mais qui vous envoie à la fin, qu’est-ce que vous nous voulez ? Je sais pas si elle rigole ou si elle est sérieuse alors dans le doute je réponds pas tout de suite, la laisse faire, souris, puis finis par lui dire que je suis confuse et que je ne comprends pas ce qui s’est passé, pourquoi elle me parle comme ça. Il doit y avoir un malentendu, nous ne sommes que des touristes de passage. Les yeux de Kelly cherchent à me fixer, puis elle finit par se confondre en excuses. Mais qu’est-ce qui lui a pris, elle est tellement désolée, elle me prend dans ses bras et me serre très fort. Je dis que c’est pas grave, même si mes mains continuent de trembler. J’embraye sur les Harley Davidson, justement son mec en a une et c’est tellement sensuel de monter dessus. Nos échanges s’orientent vers des propos plus féminins, je cherche à détendre l’atmosphère. Là-dessus Marco vient me secourir en proposant de rentrer, parce qu’il commence à se faire tard (23h), alors nous quittons la compagnie en nous remerciant respectivement. Pendant qu’on refait les 50 mètres en voiture jusqu’au Motel Marco explique que le gars avec qui il discutait commençait à se montrer suspicieux tendance agressive, toujours sur le thème du « mais vous êtes qui ? ». En tournant le loquet de la chambre je me demande s’ils ont repéré notre voiture sur le parking. Notre étrangeté, si charmante en début de soirée, s’est avérée menaçante quelques whiskies on the rocks plus tard. C’est la première fois que j’ai eu un peu peur dans ce pays.

Dehors le vent se lève et l’orage se prépare, minuit s’approche. J’espère simplement que les gars du Bar sont trop torchés pour entreprendre une expédition punitive.

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